Je suis née en 1986 dans un village bourguignon. Mes parents ont attendu de nombreuses années avant de pouvoir me tenir dans leurs bras. J’ai été désirée, aimée, choyée. Mes premières années de vie sont belles, innocentes et entourées de ma famille.

A l’âge de mes 5 ans, un petit frère arrive à la maison. Pour moi, c’est le choc, bien que je l’aime. Je ne me souviens pas pourquoi, mais je développe ensuite des troubles du comportement, qui vont s’exprimer de plusieurs façons au cours de ma vie. Mes parents ont fait leur possible pour m’aider, m’accompagner chez le psy… mais le malaise perdure.

Je sens que quelque chose sonne faux autour de moi, finissant par me demander si ce n’est pas moi le problème. Suis-je dans la bonne famille ? échangée à la naissance…Mais non, je ressemble à maman… Et mon frère avec qui je ne vois pas de ressemblances, est-il adopté ? Le fils du facteur comme j’aime tant le taquiner avec cette idée ?

Les années passent et je profite de la vie, mes amis, mes études, ma rencontre avec mon mari, les enfants, le chien…. Je me porte bien, mais l’ombre du malaise est toujours là.

Pour mes 32 ans, je reçois comme cadeau, une consultation en astrologie, offerte par mes amies. J’arrive à ce rdv avec pleins d’aprioris et de curiosités. Je découvre alors une approche complexe qui me parle et me plait beaucoup. J’apprends des informations sur moi, les qualités et points à développer. Et une petite phrase reste gravée dans ma tête : « Il y a une lune noire, un secret dans le domaine de la santé du côté de votre père » …. La graine est semée…

Durant ces quatre dernières années, je décide de prendre le chemin du développement personnel et apprendre à me connaitre afin de mieux vivre mon présent. Point de départ : Pourquoi ai-je eu un traumatisme émotionnel à 5 ans ? Je m’appuie surtout sur des approches ésotériques et je récolte au fil du temps des informations et des pièces pour assembler le puzzle de ma vie. Mon enfance, les non-dits, les histoires de famille, les évènements en chaine, l’inconscient familial.

En juin 2022, assise sur mon canapé, je regarde à la RTS (je vis en Suisse), un reportage parlant de personnes conçues par don de sperme. Je suis très à l’écoute de ce reportage et prend plaisir à faire un arbre généalogique sur le site internet de la base de données génétique américaine.  Ce jour-là, il y a une promotion pour commander un test ADN. Allons-y ! Je suis curieuse de connaitre mes origines ethniques et retrouver des cousins lointains de mon oncle voyageur ou ma grand-mère portugaise. J’ai le sentiment de ne pas connaitre tous les membres de ma famille.

Les résultats arrivent le 1er août 2022. Je suis bretonne à 42% et 30% italienne…curieux, il n‘y a ni bretons ni italiens dans la famille. Puis l’écran de mon téléphone affiche que mon ADN correspond avec 5 personnes faisant partie de mon entourage proche. Mais qui a déjà fait ce test dans la famille ?

Première personne, photo à l’appui, Jacques, 49.8%, relation : Père

Deuxième personne, avec photo, Alexandre, 24.2%, relation : Demi-frère

Puis trois demi-oncles….

C’est le choc, je ne comprends pas. Il y a dû avoir une erreur, c’est une arnaque. « Ne leur donne pas de l’argent » me dira mon copain. Je redémarre téléphone et ordinateur, les résultats n’ont pas changé…. « Père ».

Je prends mon courage à deux mains, et j’écris à ce demi-frère. Il me raconte tout…sa vie, sa conception et bien sûr, notre géniteur. Avec Alexandre nous avons un mois d’écart, né dans la même ville, grandi à 20km l’un de l’autre, une ressemblance physique folle. Mon cœur chavire, je découvre un demi-frère, un double de moi, avec tant de points communs. Le reportage qui m’a poussé à faire ce test Adn est le reportage auquel il a participé avec Jacques. Je les ai vu…avant de savoir qui ils étaient. 

Le feu d’artifice du 1er août, fête nationale Suisse, a eu un tout autre sens ce jour-là. Le feu d’artifice était dans ma tête, dans mon corps. Ça explosait de partout, et je ne savais pas ce qui allait rester debout. 

La discussion s’engage avec Alexandre et Jacques qui sont ravis de mon arrivée. J’ai du mal à y croire, l’infertilité de mon père, le Cecos du Kremlin-Bicêtre, l’insémination artificielle, le secret…ce lourd secret de 36 ans. J’accepte cette histoire le jeudi 4 août au matin, quand je reçois une photo de Jacques enfant (celle en noir et blanc )qui illustre ce témoignage et la compare à celle de moi au même âge (en couleur), c’est la photo de la vérité.

J’ai la chance que cette pièce du puzzle si importante me soit offerte. Alexandre a fourni un énorme travail de recherches qui a conduit à découvrir notre géniteur, construire les arbres généalogiques… J’ai des photos, des histoires, une part de moi est devant moi maintenant. 

Il s’en est suivi la discussion avec mes parents le samedi. Je me suis préparée à leur expliquer ma découverte en expliquant mon histoire à des amis pour me l’approprier. J’ai imaginé plein de scénarios possibles : le déni, le refus, la colère. J’avais la boule au ventre, la peur qu’ils me rejettent. Suite au repas du midi, alors que je souhaitais parler le soir, mes parents ont demandé à nos conjoints et mes enfants de sortir afin d’être quatre autour de la table. La tension était palpable, l’air lourd. Ma mère a commencé en disant qu’ils voulaient nous parler de notre conception. Mon père a pris la parole pour nous dire « Je ne suis peut-être pas votre père ». Je l’ai pris dans mes bras, en larmes. Je lui ai dit que je savais, que je l’aimais, que c’était mon papa, qu’il fallait qu’il se pardonne, qu’il soit fier de lui car moi je le suis. Et j’ai pu lui confirmer que non, il n’était pas mon géniteur et faire éclater 37 ans de doutes dans lequel mon père a vécu. A l’époque, on conseillait aux hommes qui n’étaient pas 100% stériles de continuer les rapports sexuels pendant les périodes d’insémination. Au cas où… contraignant encore plus les couples au silence jusqu’à « oublier tout ça » comme il m’a dit. Une dissociation psychique pour se protéger. Nous avons ensuite discuté de leur histoire, leur parcours, leur soulagement, leurs blessures. Quelques jours plus tôt, ma belle-sœur a posé une question générale à ma mère sur notre conception et elle a craqué au téléphone et a avoué le secret. J’ai partagé à ma mère mes réflexions personnelles, mes indices, l’astrologue, mon test Adn…elle me savait sur la piste et que la vérité allait éclater. La discussion devait se produire ce jour-là, par eux ou par moi… Ils ont saisi leur dernière chance. 

J’aime mes parents. Je suis très fière d’eux et du parcours qu’ils ont entrepris. Mon père est mon père pour toujours, mon frère est toujours mon frère. 

Les semaines passent et je construis ma vie sur de nouvelles bases, dans la vérité et la bienveillance. C’est une renaissance où je me sens entière avec un pilier supplémentaire, l’histoire de Jacques. 

Avec Alexandre, nous nous sommes rencontrés quelques semaines après. C’est très perturbant de se voir, comme une réalité parallèle. Mais c’est le bonheur de découvrir un ami qui prend au fur et à mesure la place d’un frère. Il porte en lui une part de moi.

J’ai rencontré Jacques à l’occasion d’une réunion associative. C’est agréable de discuter l’un en face de l’autre et partager nos histoires et nos vies. Il m’a parlé de ses filles, ses loisirs, son parcours de vie.

Je suis ravie de toutes ces belles opportunités que la vie m’offre. Je prends le meilleur. La vie m’a appris que l’amour ne se partage pas, il se multiplie. Chacun à sa place et moi enfin à la mienne. 

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