Lorsque j’ai rencontré mon mari, il savait déjà qu’il était stérile et n’aurait pas d’enfant biologique. Je n’envisageais qu’avec peine le fait de ne jamais porter d’enfant dans mon ventre et nous avons décidé d’avoir recours à un don de sperme.

Pour notre cas tout est allé très vite, après une consultation au CPMA à Lausanne nous avons pu parler avec la psychologue du centre qui a déjà abordé la question du secret que l’on peut choisir de garder ou non mais qu’il était vivement conseillé d’en parler aux enfants qui ont un droit légitime et fondamental de connaitre leurs origines. A ce moment, il n’y avait seulement que quelques années que l’identité du donneur pouvait être connue par les enfants à leur 18ème anniversaire (en 2001). Les premiers enfants issus d’un don non anonyme ont eu accès à leur dossier en 2019 (sans garantie que celui-ci veuille entrer en contact). Il n’y avait donc pas de témoignages de ces enfants et peu de recul par rapport à leur ressenti et l’impact psychologique que cela pouvait avoir. Pour notre part, nous étions certains que les secrets en général ne sont jamais bons pour les enfants.

Pour nous il était très clair que ce parcours ne serait pas caché et nos familles et quelques amis étaient au courant de notre démarche. Durant cette période, j’ai beaucoup réfléchi au fait que cela pouvait être « bizarre » de recevoir dans mon corps les spermatozoïdes d’un homme que je ne connaissais pas. Je me demandais si certains traits, physique ou de caractère, me paraîtraient « venir d’ailleurs » chez notre futur enfant. Je me questionnais sur quel type d’homme pouvait avoir envie, par pur altruisme, de donner une partie de son ADN à un enfant qu’il n’élèverait pas? Mon époux était très content de pouvoir devenir papa et que mon immense envie d’attendre un enfant avec lui puisse peut-être se réaliser.

Nous nous sommes mariés en 2011 et l’année d’après, notre premier enfant est né. C’est son papa qui a pu le porter le premier, c’est lui qui a déposé notre fils dans mes bras, ses grands yeux tout ouverts sur le monde ! Et j’ai été très reconnaissante pour cet homme qui nous a permis de devenir parents.

La première et deuxième année après sa naissance, nous avons participé à plusieurs réunions de parents ou futurs parents au CPMA et je me souviens que l’infirmière qui animait ces séances nous a dit que les parents venaient en général quelques fois après la naissance de leur enfant et qu’ils n’en ressentaient plus le besoin ensuite. Je me disais que j’allais quand-même toujours avoir ces petits questionnements au fond de moi. Affaire à suivre…

Une année plus tard, nous avons décidé de « retenter l’expérience » : nos jumeaux sont nés en 2013, et sont issus du même donneur que leur grand frère.

Nous avons parlé aux enfants de la manière dont ils ont été conçus au même moment qu’on explique comment les bébés arrivent sur terre, sans en faire toute une histoire et cela s’est fait tout naturellement. Nous ajoutons des détails par rapport à cela au fur et à mesure qu’ils grandissent et sont plus à même de comprendre les choses et surtout s’ils le demandent! J’ai choisi avec mon mari de témoigner avec un nom d’emprunt pour laisser nos enfant libres de vivre leur histoire comme ils le désirent.

Pour eux tout ceci est tout à fait naturel et autant nous ne pensons plus souvent à leur mode de conception, autant ils n’en parlent que très rarement et cela ne leur a jamais posé problème. Ils savent aussi qu’il pourront savoir le nom du monsieur quand ils seront grands et peut-être le connaître, et qu’ils ont des demi-frères ou sœurs (normalement 5, mais qu’ils n’auront par contre pas accès à leurs noms par la clinique). Mon fils m’a dit récemment « Moi je sais qui c’est le monsieur, c’est James Bond ! », nous avons bien ri !

Mon époux n’est pas du tout mal à l’aise par rapport au fait qu’il n’est pas leur père biologique et on se faisait toujours un petit clin d’œil quand des gens disaient « comme ils ressemblent à leur papa ». Remarques qu’on entend surtout quand ils sont petits, car après, donneur ou non, tous les enfants ressemblent surtout à eux-mêmes avec leur caractère et leurs traits de personnalités. Je n’ai jamais ressenti ce sentiment « d’’inconnu » que je redoutais, même quand mes enfants montrent un fort caractère criseux qui ne vient certainement pas de moi (bonne excuse)!

Je suis curieuse de découvrir la façon dont nos enfants géreront cela à leur 18 ans, et peut-être qu’ils me racontent qqch sur « ce monsieur sympa qui a été d’accord de donner des petites graines pour ceux qui n’en avaient pas » ! Leur papa restera toujours celui qui les a bercés dans ses bras et qui les accompagne tous les jours depuis que nous avons la chance de les avoir.

En lisant le témoignage de Suzanne, je nous trouve chanceux que le chemin ait été tracé par ces parents qui vivaient à une époque où le fait de concevoir des enfants avec un donneur était une chose un peu « taboue » et qui ont, j’en suis convaincue, toujours pensé bien faire et voulu le meilleur pour leurs enfants. Je suis contente de ne pas avoir eu à réfléchir longtemps par rapport au thème du secret et j’ai souvent pensé aux parents qui devaient à un certain moment « convoquer » leur(s) enfant(s) pour « dévoiler le secret » et j’imagine l’état dans lequel ils pouvaient se trouver à ce moment et tous les questionnements et les recherches des enfants qui ont appris leur mode de conception sur le tard.

Au hasard de mon chemin à moi j’ai aussi rencontrés des personnes qui avaient eu recours au don pour avoir des enfants ou qui était issu d’un don (des amis, un copain de classe des enfants…). Ce sont souvent des routes semées d’embûches, d’attentes, de déceptions parfois aussi et le fait d’oser en parler, ce qui demande quand-même un petit peu de courage, me montre que finalement nous ne sommes vraiment pas des cas isolés et que le point commun de toutes ces histoires c’est finalement beaucoup d’amour !

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