Historique de l’insémination via donneur anonyme en Suisse

Depuis 1974 et jusqu’à la mise en application de la nouvelle loi en 2001, le don de sperme était anonyme en Suisse. Les médecins préconisaient le fait que l’enfant né d’une insémination par donneur anonyme ne devait jamais être informé de la situation.

Banques de sperme en Suisse

En 1980, il existait 5 centres avec les mêmes caractéristiques :

  • Ospedale Distrettuâle « La Carita », Locarno
  • Hôpital Universitaire de Berne
  • Hôpital Cantonal de Liestal
  • Hôpital Cantonal de St-Gall
  • Hôpital Universitaire de Bâle

Les points communs étaient que le centre d’insémination se trouvait dans une clinique gynécologique publique et que la procédure était effectuée uniquement à l’hôpital où se trouvait la banque de sperme. Les 5 centres faisaient partie du groupe de travail suisse pour l’insémination artificielle qui a été créé en 1977. Son but était de coordonner les activités des centres, d’uniformiser les méthodes de travail et de réaliser des programmes scientifiques sur une base commune.

L’utilisation de sperme congelé ou frais pouvait varier selon les centres. Saint-Gall utilisait le plus grand pourcentage de sperme congelé tandis que Bâle n’utilisait que du sperme frais. 

Au CHUV de Lausanne, les inséminations artificielles, les spermogrammes (analyse du sperme) et le recours à la banque de sperme sont des techniques disponibles depuis 1981. L’Unité de médecine de la reproduction (UMR) a été créée en 1984 par le Dr. Marc Germond. 

Critères de sélection pour le choix du donneur

En 1979, le groupe de travail avait déclaré : « Tant que les problèmes juridiques de l’IAD n’auront pas été définitivement clarifiés, nous considérons qu’il faut effectuer un dépistage génétique comprenant la détermination du caryotype pour tous les donneurs potentiels, suivi d’une amniocentèse chez la femme enceinte ».

Les avis étaient divergents au sujet du caryotype. On se posait la question si c’était justifiable de mettre en place un test aussi coûteux et comment une femme dont le résultat serait « anormal » allait pouvoir prendre la décision d’une interruption de grossesse ou non.  

Le fait que l’identité du donneur ne devait être inscrit sur aucun dossier a fait l’unanimité dans le groupe de travail.

Chaque centre IAD sélectionnait les gamètes en fonction du groupe sanguin qui devait correspondre au futur père légal. Locarno et St-Gall sélectionnaient aussi sur la base des critères physiques du couple. Ceci était impossible à Berne qui mélangeait le sperme de 3 donneurs afin qu’aucune identification du donneur ne soit possible, ni par un test de paternité basé sur le groupe sanguin, ni par des indications du personnel soignant. La sélection des donneurs à Berne, St-Gall et Liestal était effectuée par le gynécologue qui effectuait l’insémination. 

Tous les centres partageaient les critères suivants pour l’acceptation des donneurs potentiels :

  1. Motivation sociale pour le don de sperme 
  2. État psychologique stable
  3. Résultats de laboratoire sans particularité, y compris pour la syphilis et la gonorrhée
  4. Un nombre minimal de spermatozoïdes avec une mobilité et une morphologie normale
  5. Âge du donneur entre 20 et 40 ans

Locarno et Bâle, qui ont fait appel à des généticiens pour la sélection des donneurs, utilisaient un test standardisé conçu par le Dr Bühler. Voici les critères supplémentaires :

  1. Recherches de potentielles maladies génétiques
  2. Age < 40 ans
  3. L’exclusion des professions à haut risque et des consommateurs de médicaments ou de drogues
  4. Caryotype pour dépister d’éventuelles anomalies chromosomiques
  5. Test de chromatopsie (vision des couleurs)
  6. Audiométrie
  7. Mesure de la pression sanguine
  8. Test urinaire
  9. Test de transpiration
  10. Examens prénataux durant la grossesse

Technique d’insémination

Une moyenne de 2 ou 4 inséminations étaient effectuées par cycle à des intervalles de 24 à 48 heures. 

Nombre d’enfants issus d’un même donneur

Cette question a été étudiée par le généticien Dr. Moser. Il a conclu que le risque de descendance entre individus nés grâce au sperme du même donneur était extrêmement faible s’ils étaient répartis équitablement dans la population ; même si dix enfants ou plus naissaient suite à son don. La période de don était généralement de maximum une année et un grand nombre de couples sollicitant une IAD venaient des pays voisins. 

Nombre de grossesses après une IAD de 1974 à 1979

On comptait un nombre de 1301 grossesses suite à une insémination de donneur anonyme dans les 5 centres suisses. 

La culture du secret 

Tous les centres mettent en avant des arguments en faveur du secret sur l’identité des donneurs et même sur le fait d’avoir utilisé la procréation médicalement assistée. 

Les arguments principaux utilisés par les médecins étaient notamment le fait qu’il était quasi impossible de prouver qu’il y avait bien eu une insémination et que personne ne pouvait contester le fait que l’enfant n’était pas l’enfant génétique du père légal. Cela favoriserait le lien entre l’enfant et ses parents. Cela permettait aussi de cacher la stérilité de l’homme ou du couple et au couple d’être un couple comme les autres dans la société. 

Une étude effectuée à la fin des années 1970 au Centre d’Études et de Conservation du Sperme à Lyon démontre que la situation est différente pour les couples qui ont eu recours à une IAD. Sur les 72 couples interrogés, 77% d’entre eux ont répondu qu’ils préfèraient garder l’insémination totalement secrète contre 23% qui souhaitaient en parler. 

Dans les faits, il semblerait qu’un peu moins de la moitié des couples qui avaient déclaré vouloir garder le secret absolu aurait néanmoins parlé de l’IAD avec quelqu’un de leur entourage (à l’exclusion des médecins). L’étude conclut en conséquence que seule la moitié des couples qui souhaitent un secret absolu y arrivent. L’étude se termine par une recommandation selon laquelle la liberté de choix du couple en matière de secret ou de divulgation ne doit pas être compromise.

Exemple concret – Comment se passait une IAD à Berne dans les années 1970

La première rencontre avec le médecin se passait en couple. Ensuite, la femme était reçue en consultation 2 ou 3 fois jusqu’à la grossesse. Le médecin attirait l’attention sur les possibles risques psychologiques et analysait le désir d’enfant. Ensuite, il prenait le temps d’expliquer les conditions pour la procédure. Elle se pratiquait avec une discrétion absolue. Il n’y avait aucune documentation écrite pour le couple et aucune information sur l’identité des donneurs. Les donneurs sont recrutés à l’Université de Berne et sont testé pour leur état de santé, notamment les maladies héréditaires. Le groupe sanguin ainsi que la couleur des yeux doivent correspondre à l’un des parents. L’insémination comprenait un cocktail de 3 donneurs distincts afin que personne ne puisse attribuer un donneur spécifique. C’est une infirmière qui pratiquait l’insémination. Après l’insémination, la femme devait rester allongée pendant une heure, puis déposait de l’argent sur le lit et s’en allait. Il n’y avait aucune correspondance ni aucune facture. 

Le cadre légal n’était pas défini. Afin d’éviter des risques de non-reconnaissance de paternité, l’IAD était effectuée que pour des femmes qui étaient en relation stable ou mariées. Pour contourner le risque d’un mauvais test de paternité, on sélectionnait les donneurs en fonction du groupe sanguin du futur père légal et de la mère. En effet, les critères de l’époque pour un test de paternité était le groupe sanguin du père, de la mère et de l’enfant. 

L’insémination était effectuée avec le sperme de 3 donneurs différents et il n’y avait aucune trace écrite les concernant. Le futur père légal n’avait quasi aucun risque qu’un autre homme puisse déclarer la paternité. 

Sources :

Auteur/autrice

surterreviadonneur@gmail.com